Donna Haraway, née en 1944 à Denver dans le Colorado est professeure émérite au département de sciences humaines de l’université de Californie à Santa Cruz, où elle était titulaire de la chaire d’histoire de la conscience et des études féministes. Elle s’est notamment intéressée à la différence entre les observations faites par des femmes primatologues et les théories édifiées par des hommes primatologues.
Pionnière dans l’analyse féministe des techniques, elle rend compte de la multiplicité des enjeux économiques, culturels et sociaux en cours à l’ère digitale et saisit les formes contemporaines du développement capitaliste lié aux innovations biotechnologiques. Ses travaux ont inspiré toute une génération de chercheuses et activistes sur le cyberféminisme puisque c’est en 1985 que Donna Haraway publie le Manifeste Cyborg.
C’est à cette période qu’un tournant important dans l’histoire du féminisme américain fait émerger des sous groupes de féministes, qui dénoncent le fait de catégoriser la femme, sans représentation, sous le couvert d’un féminisme blanc. Dans son Manifeste, Donna Haraway tente de répondre à ces nouveaux enjeux et de trouver un nouveau point de ralliement pour les féministes. Elle joue avec les figures fantastiques pour ensuite faire des expériences de pensée en utilisant la métaphore du cyborg – créature entre le naturel et l’artificiel – et élabore une réflexion sur le féminisme et le corps des femmes.
Elle cite « le cyborg est un organisme cybernétique, un hybride de machine et d’organisme vivant, une créature de la réalité sociale aussi bien qu’une créature imaginaire » c’est en fait une figure rhétorique qui nous permet de penser notre réalité, et celui d’un monde post genre. Le cyborg est un couplage intégré d’organisme et de machine. Elle indique que le concept de cyborg est un rejet de la rigidité des frontières, celles qui séparent l’humain de l’animal et l’humain de la machine.
À travers cette métaphore, Donna Haraway montre que ce qui semble naturel tel que le corps humain ou encore nos attributs en tant que femmes ou hommes ne le sont pas et sont construits par nos idées. Le féminisme traditionnel considère que les hommes sont d’une nature et les femmes d’une autre nature, elle suggère que les féministes aillent au delà de ces pensées et soumet l’idée d’un monde post-genre. Le postgenrisme est un mouvement social politique et culturel dont les militants prônent la suppression du concept de genre au sein de l’espèce humaine. Les défenseurs de ce mouvement avancent que la présence des rôles de genre, les différentes physiques et psychologiques entre l’homme et la femme ne sont pas choisies et constituent une entrave à la liberté des individus. La stratégie de Donna Haraway est de brouiller les identités et de penser à une société libérée des catégories de genre. Avec le cyborg, elle permet d’envisager le féminisme comme un code social cybernétique.
Le Manifeste Cyborg propose une orientation féministe pour l’avenir : l’utopie d’un monde post-genre où ces rapports seraient subversifs par le trouble que sèment les nouvelles technologies dans les distinctions occidentales traditionnelles entre les duos de notions tels que naturel et artificiel, corps et esprit, physique et non physique, homme ou femme, animal ou non animal.
Outre la montée en puissance du cyberféminisme, le Manifeste cyborg continue aussi à fournir de solides arguments contre les conceptions essentialisantes du genre, qui font du sexe biologique une composante immuable de l’identité. C’est la fin des mythes de l’origine puisque le cyborg n’en a pas. En affirmant qu’«être femme n’est pas un état en soi, mais que cela signifie appartenir à une catégorie hautement complexe, construite à partir de discours scientifiques sur le sexe et d’autres pratiques sociales tout à fait discutables», Donna Haraway rappelle que nos corps sont d’ores et déjà refaçonnés par la proximité avec la technologie. Par-là, elle confère aussi une légitimité politique à l’existence de ceux dont les enveloppes charnelles matérialisent des expériences sociales en dehors des normes de genre, comme les personnes transgenres, intersexes, ou non binaires.
Le cyborg est féministe oui, mais aussi pacifiste.